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histoire

La grande tragédie

par Bogdan Mytrowytch

publié dans histoire

                                                                           La grande tragédie

 

 

   Je viens de finir de lire le livre d’Iryna Dmytrychyn consacré à Edouard Herriot sur son voyage en Ukraine 1933 (« Le voyage de Monsieur Herriot ») paru récemment dans les éditions Harmattan. Je suis encore sous le choc. Edouard Herriot, qui a une place qui porte son nom devant l’Assemblée Nationale à Paris, et qui fut président du conseil,  un éminent dirigeant politique sous la troisième république, il savait ce qui se passait en Ukraine 33, à savoir la grande famine. Donc sciemment pour construire une amitié franco-soviétique face aux appétits de l’Allemagne nazie, il a ignoré volontairement cette tragédie, que les ukrainiens appellent  « le Holodomor » c’est-à-dire en traduisant « la mort par la faim ». Rappelons que cette tragédie a fait de millions de morts, quatre millions d’après les spécialistes, même, si pour le moment toutes les archives ne sont pas encore publiques, comme celle qui se trouve en Russie. C’est donc pour le moment un chiffre relatif et approximatif.

Edouard Herriot en France, on peut faire un rapprochement avec une « autre « célébrité » du même acabit, mais cette fois aux Etats-Unis. Il s’agit du célèbre journaliste américain Walter Duranty, qui a reçu le prix Pulitzer pour ses reportages sur la révolution russe, lui aussi a nié la grande famine en Ukraine. Donc un politique et un journaliste éminent qui ont nié l’existence d’une tragédie qui a fait des millions de morts. Un autre aspect de cette tragédie, c’est le constat que 85 ans après, seule une minorité de pays dans le monde ont reconnu le caractère génocidaire de ce qui s’est déroulé en Ukraine en 1932-1933.

 

Ce qui m’interpelle, c’est la notion de « Holodomor », trop souvent on le réduit à ce qui s’est passé dans le monde paysan, et il est vrai que le régime stalinien à fait mourir de millions de paysans par la faim. En effet, la population de l’Ukraine en grande partie était paysanne, mais le Holodomor, regroupe d’un point de vue historique toutes les franges sociales de la population ukrainienne. En effet, peu de temps avant 1932-1933 l’élite intellectuelle et le clergé ukrainien furent décimés par le pouvoir soviétique, soit par les liquidations physiques ou les déportations dans les goulags. Le fameux procès en 1929 du SVU-SUM, ou des organisations furent créer de toutes pièces par les services secrets soviétiques, elles servirent à liquider beaucoup d’intellectuels, qui furent de véritables patriotes ukrainiens, de même l’église autocéphale orthodoxe ukrainienne, qui  renaît  aux débuts des années 20, elle sera aussi liquidée en 1928. La période dite « d’ukrainisation » qui durera jusqu’en 1928, vit le retour de certains dignitaires de l’ancienne Ukraine indépendante, mais cette illusion fut brutalement stoppée par le régime stalinien. Aussi, d’après un spécialiste comme Raphael Lemkin qui fut à l’origine de la notion de génocide, adoptée par les Nations-Unis en 1948, ce qui s’est passé en Ukraine en 1932-1933 correspond à un véritable génocide. Pendant toute la période soviétique jusqu’à la Perestroika, ce sujet fut considéré comme tabou… si on en parlait ouvertement,  on était exposé à la répression de la part des autorités soviétiques.

 

Maintenant, voyons les conséquences et l’impact  de ce drame sur la situation actuelle de l’Ukraine. Le génocide d’un peuple ce n’est pas simplement  son élimination physique, mais c’est aussi sa destruction psychique. En effet, que voyons-nous aujourd’hui : les régions de l’Ukraine ou « le soviétisme » est le plus fort, comme « par hasard » sont celles, qui ont été touché le plus durement par le Holodomor. Ce sont les régions qui sont dans l’Est de l’Ukraine comme Kharkiv et la région du Donbass, ou dans les sud comme Zaporija, et toutes les régions qui bordent l’espace  côtier de la mer d’Azov à la mer noire en passant par Odessa. Vladimir Poutine en a voulu en faire dans son plan machiavélique ce que l’on nomme « la Nouvelle  Russie « (Novorosiya). Plan qui a raté heureusement, c’est là aussi ou précisément,  la russification est la plus forte, et la mentalité soviétique (« homosovieticus ») la plus présente, encore après 27 années d’indépendance !

 

Chaque année en Ukraine comme dans la diaspora ukrainienne cette tragédie est commémorée. A cette occasion ce serait bien que les pays du monde entier  reconnaissent  ce génocide. Le régime soviétique a tenté par tous les moyens d’occulter les faits, il a instrumentalisé des propagandistes zélés comme Herriot et Duranty qui n’étaient pourtant pas membres du parti communiste, qui jouissaient d’un certain prestige dans leurs pays respectifs, et l’ont encore actuellement. Le régime russe qui se prétend héritier de l’Union Soviétique, devrait avoir le courage de reconnaître ces faits, au lieu de le nier comme il fait aujourd’hui,  mais jusqu’à quand devront attendre les ukrainiens pour que Moscou décide enfin de le faire ?

 

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