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Evhen Konovaletz

par Bogdan Mytrowytch

publié dans histoire

 

On entend parler beaucoup de Stepan Bandera aujourd’hui en Ukraine, par contre, beaucoup moins d’Evhen Konovaletz, qui fut un des fondateurs de l’organisation des nationalistes ukrainiens (OUN). Ce fut le premier dirigeant de cette organisation, jusqu’à son assassinat le 23 mai 1938 à Rotterdam par un agent soviétique. Cet assassinat a eu pour conséquence de scinder l’OUN en deux en 1940. Moscou savait bien ce qu’elle faisait, grâce à ces agents infiltrées dans cette organisation. Il connaissait les conflits qui opposaient « les krajoviky » (les gens du pays) qui deviendront plus tard après la mort de Konovaletz « les Banderivtsi », et les personnes de la diaspora qui deviendront plus tard « les Melnykivtsi ».


Evhen Konovaletz est né le 14 juin 1891 à Zashkiv en Galicie, qui faisait partie de l’Empire Austro-Hongrois. Dès le plus jeune âge, Evhen milita pour la cause ukrainienne, il fut tour à tour responsable des étudiants ukrainiens, membre actif de l’association caritative « Prosvita », officier dans l’armée austro-hongroise au sein du régiment ukrainien qui s’appelait les « Sitchovi Striltsi » ( « les Tirailleurs de la Sitch ») Lors de la première guerre mondiale, il fut fait prisonnier des russes en 1915 comme tant d’autres parmi lesquels son compagnon d’arme Andriy Melnyk (qui deviendra plus tard son successeur après son assassinat à la tête de l’OUN), ils resteront prisonniers jusqu’à la révolution russe de 1917, qui leur permet de s’évader… Ce régiment joua un rôle capital lors de l’indépendance de l’Ukraine en 1918. » les Tirailleurs de la Sitch » ont réussi à faire échouer la tentative des bolcheviques, de prendre le pouvoir par la force lors de la fameuse « révolte de l’Arsenal » à Kyiv en 1918. Le colonel Konovaletz se battra courageusement avec son régiment sur plusieurs fronts, contre les polonais, les russes rouges et blancs mais le 6 décembre 1919, il fut fait prisonnier par les polonais et interné dans un camp près de Lutsk en Volhynie.

 

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Il fut libéré par la suite au printemps 1920, lors de l’alliance entre Pilsudski et Petlura, c’est là qu’il décida avec l’accord de Petlura de partir à Prague pour organiser la résistance contre les occupants de l’Ukraine. Il créa ainsi l’Organisation Militaire Ukrainienne (UVO) faite de militaires de l’armée ukrainiennes, et qui sera rejointe vers la fin des années vingt par des jeunes étudiants d’Ukraine occidentale, tel que Stepan Bandera, Lev Rebet, Roman Shukhevytch, qui deviendront tour à tour aussi des dirigeants de l’OUN. Cette organisation militaire avait pour but de reconquérir l’indépendance en menant une lutte armée. Elle sera réprimée par les autorités polonaises, et qui sont aux yeux des autorités polonaises considérés comme terroristes. Elle obligera Evhen Konovaletz de séjourner en Tchécoslovaquie, en Lituanie, en Allemagne, en Suisse et en Italie, en Grande-Bretagne pour avoir des contacts avec les représentants de ces différends pays. Il voyagera aussi aux Etats-Unis et Canada, cette fois- là pour raffermir son influence auprès de la diaspora ukrainienne.

 

En 1929, sera créé l’Organisation des Nationalistes Ukrainiens à Vienne. Comme l’UVO, elle a pour but de conquérir l’indépendance de l’Ukraine par les armes, et non légalement, comme le fait le Parti National Démocrate Ukrainien(UNDO) qui a ses députés représentés dans la Diète Polonaise. Ce qui donnera des frictions, car pour les nationalistes, ce parti, comme d’autres qui se battent légalement sont considérés comme « des collaborateurs » du régime polonais.

 

De même, Evhen Konovaletz par la création de l’OUN, provoque une entrée considérable de la jeune génération se trouvant en Ukraine occidentale, alors qu’avec l’UVO c’était la génération des anciens de l’armée ukrainiennes qui dominaient dans la diaspora…cela n’empêchera pas la scission entre eux après son assassinat en 38. En même temps, des antennes de l’organisation ont été créés à Kaunas, Gdansk, à Vienne, à Bruxelles, à Genève, à Prague, à Paris c’est avec la création de la « Parole Ukrainienne » qui commença à sortir à partir de 1933… et qui sort jusqu’à nos jours.

 

En 1933, le consul soviétique Andrei Mailov à Lviv est assassiné par un membre de l’OUN, c’est en signe de protestation contre la famine-génocide de 32-33 organisée par les autorités soviétiques. Année suivante, le ministre de l’intérieur polonais Bronislav Peratsky est assassiné aussi par un membre de l’OUN. Bronislav Peratsky est le responsable de la « pacification » faite à l’égard des paysans ukrainiens .En fait les paysans étaient agressés brutalement par les autorités polonaises, qui sous prétexte de ramener le calme, dévastaient les biens des paysans avec d’exécutions sommaires si ceux leur résistaient . Par contre, en Ukraine Centrale et Orientale c’était la grande inconnue. Certes il y a eu des grandes révoltes paysannes dans les années 20 contre le pouvoir soviétique, mais l’UVO comme l’OUN en tant que tel n’existaient pas…

Un agent du NKVD se faisant passer pour le représentant d’une organisation nationaliste clandestine, opérant en Ukraine soviétique, allait prendre contact avec Konovaletz. En fait, il s’agissait d’un agent du NKVD, Pavel Soudoplatov ,qui s’est fait passer pour un certain Pavlo Valoukh. Il a réussi à avoir la confiance d’ Evhen Konovaletz, en le rencontrant dans différentes villes européennes. A Paris notamment, il a été avec lui fleurir la tombe de Simon Petlura, qui fut tué en 1926 par un agent soviétique …comble d’ironie, pour gagner l’amitié d’ Evhen, il prit de la terre de la tombe de Petlura dans un mouchoir, et dit qu’il l’emmènera en Ukraine, pour la mettre, lors de la plantation d’un arbre à sa mémoire …

 

A Rotterdam, ce fut le coup fatal, connaissant l’attirance de Konovaletz pour les chocolats, Soudoplatov lui offre une belle boîte… quelques moments après que Soudoplatov soit parti, elle lui explosa au nez, lorsque Evhen sorti du restaurant « Atlanta » qui se trouvait sur la rue Kolsinguel. Ce fut un coup très dur porté à l’OUN, comme on l’a rappelé au début de l’article, mais elle ne l’a pas anéantie. Au contraire, malgré les scissions en 1940 et en 1954, l’OUN fondera l’UPA (Armée Insurrectionnelle Ukrainienne) et l’UHVR (Conseil Suprême de Libération Ukrainien).

 

Evhen Konovaletz fut un bon stratège tant au niveau militaire que politique, il a su dynamiser le mouvement indépendantiste ukrainien OUN. Lors de la commémoration du vingtième anniversaire de son assassinat, les représentants des trois fractions de l’OUN étaient réunis devant sa tombe. Notamment Stépan Bandera, André Melnyk et Daria Rebet à Rotterdam. Ce fut un beau symbole d’unité malgré les divisions politiques, face à l’agression de Moscou contre celui, qui en fut un des fondateurs et le premier dirigeant.

 

 

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